lundi 13 novembre 2006

Stranger than fiction ou l'Attaque du high-concept post-moderne ou non je ne suis pas Charlie Kaufman

Le titre de cette chronique-critique-message aurait bien pu être "Mautadine de colaille, j'ai du chemin à faire Reynald".

Qu'on se le tienne pour dit, Stranger than fiction est un très bon film. Voilà pour la critique. Je ne peux malheureusement pas vous parler du générique du début et des deux premières minutes, parce que j'étais pris dans la file du kiosque à bouffe trop chère et victime de ma dépendance génétique au popcorn...

Même si la bande-annonce dévoile (malheureusement) presque tout le film, laissez-moi tenter de le résumer en quelques lignes maladroites. Harry Crick (Will Ferrell, oui oui Will Ferrell) est un employé de l'agence du revenu américaine, donc généralement pas trop apprécié de ses compatriotes sur la planète terre. Il vit, comme le veut la convention, une existence terne, réglée au quart de tour, où les chiffres et les mesures sont omniprésents (au sens propre, grâce à un petit gadget de mise en scène). Pour une raison évidemment obscure, sa montre décide de se rebeller contre sa vie digne d'un automate endormi, et, surtout, il commence un jour à entendre une voix, dans un accent british et avec pas mal plus de vocabulaire que lui, qui narre sa vie, comme la voix omnisciente du narrateur littéraire à propos de laquelle on a tous écrit des dissertations en secondaire 4.

Mettons que je vais arrêter là, regardez la bande-annonce pour avoir tout le reste.

Un espèce de tourbillon post-moderne de retour sur le créateur; Charlie Kaufman (hétéroclite scénariste de Adaptation, Being John Malkovich et Human Nature) sans les obsessions psychanalytiques. On assiste peut-être ici à la naissance d'un nouveau courant à Hollywood, ou de jeunes scénaristes ou cinéastes, élevés dans la ouate et l'abondance de la culture populaire disponible au bout du doigt, éduqués, érudits et ayant carburé aux satisfactions immédiates et aux accroches publicitaires et télévisuelles des années 80, détournent le high concept movie et l'adaptent à la sauce survoltée du 21e siècle. Peut-être un des effets du Sleeper Curve de Steven Johnson (Everything Bad is Good For You, livre très intéressant, je vais en parler dans une entrée prochaine), ce genre de récit surréaliste, sauté et complexe était impensble il y a 10 ans, lorsqu'on s'émerveillait devant les possiblités du numériques, des effets spéciaux et qu'on déclarait le triomphe final et définitif du blockbuster sans tête.

La responsabilité du créateur, l'humilité du créateur, l'importance donnée aux critiques et aux experts ("You have to die, it's her masterpiece"), les histoires d'amour improbables, le désir de vivre sa vie pleinement, le libre-arbitre, le destin, tous ces thèmes sont au centre du récit extrêmement original et bien pensé de Stranger than fiction.

Will Ferell, sans casser la baraque, prouve encore une fois ma théorie personnelle que les humoristes (ceux qui basent leur humour sur des personnages surtout) sont souvent des acteurs dramatiques naturels... Maggie Gyllenghal, tout en tatous et yeux bleus incroyables, démontre une fois de plus son flair pour les rôles substanciels qui utilisent à merveille ses talents. Dustin Hoffman, jouant un peu plus un "stock" character, est tout de même intéressant et drôle chaque fois qu'il est à l'écran, et Emma Thompson est très, très convaincante dans le rôle de l'auteure sur qui repose tout le poid moral de l'histoire. Dans un film plus classique, elle serait probablement la protagoniste, celle qui a à choisir et à agir sur le déroulement du récit.

Quelqu'un va devoir me dire si les larmes de Will Ferrell sont des vraies, en passant.

Quitte à pousser la comparaison plus loin, ce film, qui joue dans les mêmes eaux que Adaptation, réussit cependant mieux que ce dernier à humaniser l'histoire, à la "descendre" à notre niveau de pauvres spectateurs ou le réalisme magique et les narrateurs invisibles n'existent pas (en tout cas, jusqu'à preuve du contraire). Là ou Charlie Kaufman se perd souvent dans une rigidité trop fidèle à ses concepts pétés, et où il va souvent pour le "toujours plus weird, à tout prix", le scénario de Zach Helm (oui, je suis jaloux, c'est pour ça que je n'ai pas parlé de lui avant, mouahahahah!) réussit à dépasser la gimmick, pour que l'histoire prenne le dessus. En fait, le film complet aurait pu exister sans le concept de la narration, c'est d'ailleurs l'histoire que l'auteure elle-même raconte dans son roman, la tragédie de Harry Crick.

Zach Helm, maintenant. Né en 1975, c'est son premier scénario. Il y a eu une guerre entre les studios pour l'achat de ce spec script, et il a probablement pu se payer deux-trois voiliers et une dizaine de laveuses avec son cachet final. Il travaille présentement sur son premier long-métrage comme scénariste-réalisateur: Mr. Magorium's Wonder Emporium, ça promet.

Personnellement, et il s'agit ici d'une confidence, je me suis vaguement donné comme objectif personnel (à lonnnnng terme) d'écrire des histoires qui réussissaient à marier réalisme magique, culture populaire, monde moderne et fable philosophique. Je vais m'arrêter ici, je crois que vous comprenez. Je vais me retrousser les manches, un peu plus haut cette-fois ci.

En effet, Reynald, j'ai du chemin à faire.

1 commentaire:

Mack a dit...

J'inaugure en grande pompe ta section commentaire! *trompettes*

Félicitations pour ton beau travail!!! *applaudissements nourris*

Bon... Bien, justement, je regardais "Being John Malkovich" hier, et j'ai été plutôt déçue... J'en avais gardé un bon souvenir, mais finalement, en le revoyant, ça semble un peu forcé, comme tu dis, il recherche le bizarre à tout prix... Mais tout de même, ça m'a donné l'occasion de voir John Malkovich en robe de soirée, décolleté compris, donc je ne me plains pas trop. *sifflements lubriques*

Bonne chance pour ton projet "Unforgiven" avec Inarritu, mais interdiction de caster Gael Garcia Bernal dans le rôle de Clint Eastwood. *chuintement d'une ball de foin qui roule*

Enfin, je suis à cours de bruitages et mes Pop Tarts sont prêtes, alors on se laisse là-dessus...